Le polyptique de l’Abbé Irminon nous apprend qu’à la fin du VIIIe siècle, et sans doute bien antérieurement, Esmans possédait déjà une église bien bâtie, ornée avec soin, pourvue d’une maison et des autres bâtiments nécessaires.
Les cinq hôtes ou locataires des biens que possédait alors l’église devaient une redevance annuelle de 9 poulets et 45 œufs, deux journées de travail par semaine si on les nourrissait. L’église fournissait un cheval à l’abbaye.
Cette première église occupait, croyons-nous, l’emplacement de l’église actuelle, emplacement qui a conservé le nom de « Prieuré ».
Autres lieux remarquables
Elle était consacrée à la Vierge et il y avait un prieuré de l’ordre de Saint Benoît à la collation de l’Abbé de St-Germain-des-Prés, aussi lui donnait-on deux vocables : Notre-Dame et Saint-Germain.
En 857, nous avons vu que les religieux, fuyant Paris à l’approche des Normands, s’étaient réfugiés à Esmans et y avaient transporté le corps de leur patron : Saint Germain, qu’ils avaient déposé dans l’église.
C’est pendant le séjour des religieux qu’eut lieu, dans l’église de notre village, la translation des reliques de Saint Georges, de Saint Aurèle avec le chef des Sainte Nathalie rapportés d’Espagne par deux religieux : « Usuard et Odilard que leur sainteté avait fait choisir pour remplir cette pieuse mission ».
Les religieux restèrent à Esmans jusqu’en 861. A cette époque, les Normands ayant poussé jusqu’à Melun, les moines s’enfuirent à Nogent-sur-Marne, emportant le corps de leur saint patron et les reliques rapportées d’Espagne ; celles de Saint Georges furent données à l’église de Villeneuve qui ajouta à son nom le nom de saint.
Henri Sanglier, archevêque de Sens, par un acte fait en cette ville au mois de mars 1126, cède pour toujours à Hugues, abbé de Saint-Germain, deux autels ou églises : celle d’Esmans (appelée dans l’acte Etmannus) et celle de St-Germain-Laval » à condition de lui payer au jour de la Toussaint pour chaque église « quinze sols de redevance et vingt sols en cas qu’il différât le paiement ».
Cette première église qui avait été « bien construite », ornée avec soin, etc. … » eut sans doute beaucoup à souffrir lorsque, de 885 à 888, les Normands poursuivirent leurs ravages jusqu’à Sens ; l’action du temps en acheva probablement la destruction.
Toujours est-il qu’au XIIIe siècle, une nouvelle église, celle qui subsiste encore aujourd’hui, fut construite par les soins des abbés de Saint Germain.
Elle se compose d’une seule nef. Le chœur, à chevet polygonal, est très élégant ; ses arcs en ogive retombent sur des colonnettes libres, ornées de chapiteaux à crochets et à leurs croisures sont des rosaces feuillues. A droite du chœur, la suppression faite, il y a quelques années, d’affreuses boiseries vermoulues, a mis à découvert une piscine à trois compartiments avec cuvette carrée qui a été remplie. Cette piscine, ménagée dans l’épaisseur du mur, est surmontée d’une archivolte trilobée du plus joli effet, supportée par deux petites colonnes polygonales avec chapiteaux ; les arcs à cannelures étaient terminées, à leurs points d’intersection, par des rosaces ou des chicorées qui ont été brisées.
Une chapelle à droite sert d’entrée au clocher carré qui est extérieur, avec toit à quatre pentes, flanqué sur l’un de ses côtés d’une petite tourelle polygonale , destinée sans doute à recevoir l’escalier qui n’a jamais été construit.
A gauche est une autre chapelle, la chapelle la plus seigneuriale, car elle avait une porte à arc surbaissé, qui la mettait en communication directe avec les dépendances du château. La réunion des arcs en ogive de la voûte de cette chapelle se termine par un pendentif assez sculpté.
La construction de la chapelle en question est due à Guillaume Briçonnet. On remarque en effet, à la retombée d’un des arcs doubleaux, les armes de ce prélat : « d’azur à la bande componnée d’or et de gueules de six pièces, le deuxième compon chargé d’une étoile d’or accostée en chef d’une autre étoile de même ».
Notre église possédait deux cloches, mais l’une d’elles, lors de la Révolution, fut transformée en gros sous. Celle qui nous reste est la plus forte : elle mesure 1,10 m de diamètre et porte l’inscription suivante :
L’AN 1767 JAY ETE BENIE PAR Mre PIERRE JOSEPH HVMBERT CVRE DEMANS ET NOMMEE MARIE ROSE PAR Mr NICOLAS PIERRE THIBAVLT NOTAIRE ROYAL PROCVREVRE A MONTEREAV PREVOST DEMANS ET PAR DAMOISELLE MARGVERITE ROSE COCHELIN SON EPOVSE, DENIS VILAIN ET ROBERT MAITRAT MARGVILLERE.
Les registres paroissiaux constatent que ce baptême eut lieu le 8 juin. L’acte porte ce jour « a été bénite la grosse cloche nommée Marie-Rose ».
De nombreuses sépultures ont été faites dans l’église. Les seules pierres tombales qui restaient ont été relevées lors du nouveau carrelage et dressées le long des parois de l’édifice pour éviter l’usure et les détériorations.
Ce sont :
1° Celle de Guillaume Briçonnet, autrefois placée devant le maître-autel et scellée derrière le banc d’œuvre ;
2° Celle du curé Humbert, placée dans la chapelle du clocher ;
3° Et une plaque commémorative de Claude de Vendre, « escuier, seigneur de Fossard », fixée dans le chœur à gauche.
De plus, lors de la démolition de l’ancien carrelage, on a trouvé un carreau à six pans de moyenne grandeur en terre cuite rouge, portant l’inscription suivante reproduite ici exactement :
MESIRE MA
CVECEV CV
RE DEMANS
Bien que ces caractères soient parfaitement lisibles, nous n’avons pu déchiffrer le nom du curé d’Esmans.
Notre paroisse est restée attachée au doyenné de Marolles jusqu’au décret du 24 août 1790, alors que le diocèse de Sens fut limité au seul département de l’Yonne.
L’église, devenue bien national, le 24 novembre 1789, fut rendue au culte le 23 Fructidor an IX (concordat de 1801), mais elle ne fut plus qu’une succursale de Cannes, diocèse de Meaux, doyenné et conférence de Montereau.
Peinture Sainte Anne
Peinture du 19e siècle – peintre Bodem – huile sur
toile 2m80 x 1m15.
Ce tableau représente Sainte Anne, mère de Marie, apprenant à lire à la Vierge. Le thème de l’éducation de la Vierge est fréquent à cette époque.
Statue de la Vierge
Statue du 14ème siècle, pierre – 1,42 m – parfait état de conservation.
La Vierge est vêtue d’un ample manteau-voile qui découvre largement la robe en une élégante courbe sous la poitrine puis passe sous l’Enfant où il se termine en larges volutes. Un pan tombe librement sur le bras droit, le reste du manteau suit l’oblique de la jambe droite en une grande diagonale, forme des plis en becs et s’écrase légèrement au sol près du pied droit qui traîne.
Inutile d’essayer de se draper à la manière de nos Vierges. Seule a compté pour le sculpteur la création d’une silhouette élégante et d’un jeu savant d’arabesques en dehors de toute réalité.
La Vierge tient encore, de sa main au poignet cassé, la tige creuse. Son visage est fort beau, du même type bien rempli que les précédents, à peine égayé d’un imperceptible sourire. Comme d’habitude, l’Enfant a l’air un peu vieillot, il est la sagesse du monde. Il tient le globe à gauche et sans doute la broche du corsage de sa mère à droite.
Vitrail : Scènes de la vie de la Vierge
Vitrail de 1876 – Maîtres verriers : Bazin et Laiteux.
Placé dans le chœur entre deux vitraux figurant à gauche Saint Pierre et à droite Saint Paul, ce vitrail est constitué de 4 quadrilobes superposés représentant le couronnement de la Vierge, l’Assomption, la Présentation au temple et la Nativité.
SOURCES ET REFERENCES (extraits)
– « NOTICE HISTORIQUE » – A. DUPRÉ – Notaire Honoraire et Membre de la Société Historique & Archéologique du Gâtinais – 1895
– Bulletins de la SOCIETE D’HISTOIRE ET D’ARCHEOLOGIE DE L’ARRONDISSEMENT DE PROVINS
– « Patrimoine des Communes de la Seine-et-Marne » – Editions FLOHIC